My Photo
Name:
Location: Mulhouse, France

Texte entier

« Entrez ici,
car ici est l’amour. » THE PENNY ARCADE PEEP SHOW

Un jeune homme déambule dans des ruelles, il fait nuit, pourtant, il y a encore beaucoup de gens autour de lui, et les boutiques sont toutes ouvertes, leurs devantures allumées et animées des images des clients à l’intérieur et des gens qui s’animent, colorés minuscules joyeux ; peut-être sommes-nous en pleine période de Noël, mais qui peux dire quand commence Noël aujourd’hui ?
Les yeux du jeune homme sont le point d’orgue de son visage, des yeux féminins peut-être, en amande, des longs et fins cils tout autour, ces yeux sont rougies, par le froid peut-être, ou la drogue ou la tristesse. Il marche au milieu des autres gens, engourdis de paquets pour certains, et ce qui choque, c’est qu’il n’a pas l’air de faire froid. Personne ne porte de bonnet, de gants, d’écharpe, bien sûr des vestes, mais à peine, pas de grosses doudounes enfoncés de plumes et fermés jusqu’en haut, à la rigueur, un imperméable suffit largement, et c’est ce que porte le jeune homme.
« C’est l’hiver maintenant, il fait nuit dès la sortie du boulot. »
« J’adore ça, en fait. Porter plusieurs couches de vêtements, c’est comme être dans son lit. Personne ne se regarde vraiment dans le noir de l’hiver, j’ai l’impression réelle d’être chez moi, de me balader dans une capsule spatiale qui représente mon réceptacle de vie. On ne brise pas le réceptacle de vie de quelqu’un, si on ne veut pas briser le sien. Mais d’un œil furtif, il est possible d’observer les gens, de les observer au naturel, comme ils sont réellement, avant qu’ils ne disparaissent au loin. Et je sais, que je suis amoureux quand en me retournant, il n’y a plus personne. »
Plan d’une jeune femme, qui remplit tout l’image depuis le niveau de son buste, elle porte une petite veste beige, en jean peut-être, et pour la première fois, elle porte une écharpe. Ses cheveux sont noirs, bouclés, coupés au carré, il serait mentir de dire qu’elle est belle, mais c’est une fille, de l’âge du jeune homme, ses yeux regardent a caméra, elle est très mince et blanche de peau.
De dos, le jeune homme s’est retourné et nous laisse admirer une large rue piétonne, au sol en légère forme de cuve, la lumière est provoquée par des réverbères électriques au style tout de même ancien, comme cela se fait dans toutes les villes modernes maintenant ;et cette rue est vide, totalement vide, il n’y a pas une âme à l’horizon, pas une personne, toujours les vitrines animés, mais vides. Juste, au loin, peut-être une ombre, une brume, une silhouette qui s’efface.
« Bien sûr, ça ne dure pas longtemps. Pas une seconde, ni une fraction de seconde, c’est un instant, parce que cela ne veut rien dire quantitativement. Tout est dans l’esprit, la seule preuve que c’est arrivé est dans la mémoire. Les anonymes sont bien là. »
Le jeune homme est toujours de dos, et la rue est pleine cette fois, comme elle l’était avant, mais il y a toujours cette ombre – brume – silhouette. Le champ est très profond sur cette image, la caméra se trouve en autour derrière le jeune homme, en lente et douce plongée, pas collée derrière lui, et la rue se courbe vers le fond, vers la brume, la rue est presque infinie.
« Les rencontres surprennent toujours ici. Les plus courtes sont celles dont on se souvient le moins, ce sont celles qui nous affectent le plus. Un courant passe, même si on ne le sait pas. Comment prendre conscience de cette masse, comment appréhender ces individualités, celles qu’on ne voit pas, qu’on ne soupçonne pas ? »
ne femme mûre croise le jeune homme, elle est à gauche, et son œil se fixe à lui dans le coin, alors que la scène est arrêtée, tout mouvement annihilé. La femme est blonde, des cheveux longs jusqu’au épaule, elle assume ses quarante ans, bien même cinquante si ça se peux, elle travaille dans une grande entreprise, elle y est secrétaire depuis 20 ans. Hier, elle a appris à son fils de 14 ans qu’il allait avoir un frère. Elle a tout l’air d’une femme assez pauvre, mais qui sait bien s’habiller malgré tout. C’est une fausse blonde.
Le rythme mécanique des pas reprend, et la femme se retourne, derrière elle, les gens marchent et n’ont pas de visages pour la caméra, qui filme de nouveau la profondeur du champ.
« Les conversations ne s’entendent pas un hiver, les gens sont trop proches les uns des autres, ils se murmurent. Il n’y a aucun son dans les rues en hiver, si bien qu’un disque et un casque font l’affaire. »
Notre jeune homme marche dos à nous, il doit batailler ferme quelques fois pour passer les rideaux compacts que forme la masse quand la rue se resserre. Les yeux des gens, qu’ils regardent n’importe où, droit devant, légèrement sur le côtés, ou encore fixés sur une personne, sont toujours les mêmes, des yeux curieux et surpris, des yeux rapides, qui changent de proie à chaque instant.
Le jeune homme emprunte des rues moins grandes et passagères que celle d’avant, les boutiques se font plus rares, l’éclairage est discret. Il est parfois seul dans ces rues, un couple le précède une fois, une homme seul derrière lui une autre, toujours nous le suivons discrètement, de dos. Nous devons nous fondre à la pénombre.
« En marchant, la seule chose à faire est de penser. Il me revient aujourd’hui une phrase : « une fois que c’est entré, vous le gardez en vous ». Je pourrai reproduire la voix qui a dit ça, mais impossible de savoir d’où elle provient. Un livre, un film, un disque ? La télé ? La radio ? Personne de réel n’a pu me dire une telle chose. »
Regardons quelques instants le ciel, et les étoiles qui apparaissent progressivement. Deux ou trois immeubles se détachent, plus grand que les autres, et les lumières des appartements perlent aux fenêtres. Un avion passe, cela fait une étoile de plus, qui clignote, rouge, bleu, jaune, au premier plan, comme si il était au-dessus d’un des immeubles.
Le jeune homme marche encore et toujours, quand …
« S’il-te plait ? »
« Bonjour. »
Une voix retentit de la droite. Le jeune homme est cette fois bien seul dans la ruelle. Sur cette droite, plusieurs entrées de petits immeubles accolés se succèdent. C’est de là, c’est de l’ombre que vient la voix.
Un homme apparaît, vêtu de noir, le visage affiné par les âges, secs, droits, quelque chose sur sa bouche qui témoigne d’une certaine gaieté, des cheveux noirs, très noirs, alors qu’ils pourraient déjà être gris, ils ne sont pas coupés courts, l’homme est bâti très solidement, ses épaules sont larges, ses bras ne sont pas musclés, justes imposant. Il pourrait très bien être Bela Lugosi quand il joue Dracula, bien qu’il n’essaye absolument pas d’avoir un visage effrayant. Cet homme quelque marche depuis le portique où il se trouvait et approche du jeune homme.
« Excuse moi de te déranger. »
Comme l’homme s’approche, il pénètre dans la large lumière qui filtre des rues attenantes, cette lumière où s’est réfugié le jeune homme. Apparemment, les intentions de l’homme ne sont pas mauvaises, il ne cherche pas à se cacher, à rester éloigné, à s’approcher de trop près, à faire peur. Il s’arrête au moment où il pénètre dans la lumière, il est dedans, juste à la frontière de l’ombre ;et le jeune homme est exactement dans la même position, à l’opposé du rayon de lumière. Les deux, face à face, ont la même stature, forte, ils se tiennent droit, l’homme est plus grand que le jeune homme, il est habillé dans un costume noir, mais pas le costume d’un cadre, non, il porte un costume classe, sans doute sur mesure, produit par un tailleur anglais depuis des décennies pour la même personne, un mouchoir blanc dépasse de son pochoir. Il tient quelque chose de rond et noir dans sa main droite. Ses doigts sont longs et fins, des doigts de pianiste. Il semble sorti d’une autre époque.
L’homme sourit, très gentiment, un sourire uniquement du côté droit de sa bouche, sans l’ouvrir et laisser apparaître ses dents, un sourire très gentil, très courtois.
‘Aimerai-tu mourir ?
Aimerai-tu mourir ?’
« C’était une proposition. Tout ce qu’il y a de plus honnête. Il n’y avait absolument aucune trace de menace dans sa voix. Dans son attitude. Ça aurait été la même chose si il m’avait demandé de frayer dans la nuit à ses côtés. »
‘Euh. Non ‘
Face à face, toujours entre les deux personnes, rien de surréel dans cette scène, tout est à prendre au premier degré. Aucun des deux ne semble décontenancé par ce que dit l’autre. Tout est naturel.
« Pourquoi est-ce que j’ai répondu non ? Un réflexe, sans doute, d’auto-conservation, un réflexe que nous parents nous apprennent, parce qu’ils veulent se préserver eux. »
‘Eh bien alors au revoir, et bonne nuit’
L’homme, encore dans la lumière, donne un coup sec sur le rond noir qu’il tient, et son chapeau clac se déplie. Déjà, il est à moitié dans l’ombre, il pose son chapeau sur sa tête, et s’éloigne, au devant du jeune homme.
Immobile, le jeune homme regarde sa silhouette devenir ombre puis brume, tandis que la caméra filme la profondeur du champ.
« Est-ce que je veux mourir ? Sans doute. »
Le visage du jeune homme nous apparaît en gros plan, dans la glace de sa salle de bain. Appelons-le celine, pour que tout soit plus facile, mais ce n’est pas son nom, il n’a jamais songé à s’appeler comme cela, et ne connaît personne d’important qui réponde à ce nom.
‘Me couper les cheveux semble être une bonne idée. ‘
A qui s’adresse-t-il de si haute voix, nous avons bon regarder dans le couloir, dans les autre pièces, la cuisine, la chambre, le salon, il n’y a personne, à moins que cela ne nous échappe.
Succession d’images rapides :
celine dans le bus, plein à craquer, à réussi à s’asseoir près d’une vitre, et il regarde le soleil qui se lève et lui brule les yeux, juste au dessus d’un pont où passent des trains.
celine montant les marches d’un escalier, un escalier anonyme d’un bâtiment anonyme, un escalier large pour que du monde puisse y passer sans créer d’embouteillage. celine porte un sac sur son dos, un sac d’école.
celine assis dans un amphithéâtre, au milieu de centaines d’autres personnes de son âge
une personne au loin, devant un tableau dans l’amphithéâtre, un professeur qu’on ne distingue pas clairement
celine dans une salle de classe à taille humaine, les jambes dépassant de son petit bureau individuel, comme elle de Sherilyn Fenn dépassaient dans Twin Peaks, et il regarde ses feuilles, il écrit dessus.
celine à nouveau dans le bus, debout cette fois, accroché à une barre, dans l’autre sens, il fait encore jour, mais on a beau chercher le soleil on ne le trouve pas.
un écran de télévision empli du nuage gris, variation de gris comme la pigmentation de la peau
celine dans son lit, les yeux fermés.
« Les scènes coupées au montage comprenaient : »
L’image est variable, pas toujours de très bonne qualité, parfois le cadrage est décalé, vers la gauche, vers la droite, vers le haut ou le bas, et le spectateur manque des bouts de l’action tout en comprenant ce qui se passe.
Les parents de celine quittent la maison alors que ce dernier se brosse les dents. Ils sont comme tous les parents, physiquement, il ne faut pas chercher plus loin que ces propres parents. ‘On y va, à ce soir’ ‘Hm Hm’ à travers la profusion de savon dans la bouche de celine, il y a même une bulle qui s’est formée, dieu sait comment, et vole vers le haut tout doucement. Restons sur cette image, la bulle monte progressivement, elle se trouve sur la droite de celine, qui continue à se brosser les dents, la bulle monte encore, apparaît à travers le miroir, puis elle disparaît de celui-ci quand elle est trop haute, et elle disparaît vraiment, elle n’explose pas, elle était là un instant, et elle disparaît la case suivante.
Le chauffeur dit timidement ‘Bonjour’ quand celine lui montre sa carte, pour prouver qu’il est bien en règle, car il faut le prouver.
Arrivant dans les couloirs de l’université, près de l’escalier, celine sert quelques mains de types de son âge. ‘ça va ?’ dit-il, normalement, comme il parlerait du temps, mais il fallait garder des sujets de conversation, une journée est longue.
Un type s’approche du bureau de celine, il a entre trente et quarante ans, pas habillé spécialement chicos, mais normal, comme un citadin. Il se pose devant le bureau de celine, attends. C’est le professeur. ‘Et vous, vous avez compris, vous êtes arrivé à résoudre l’exercice’. celine est d’abord plongé dans ses feuilles et relève progressivement la tête, regarde le professeur en dégageant ses yeux d’une mèche de cheveux. Le professeur ressemble comme deux gouttes d’eau à Dwight Frye, l’acteur qui joue Reinfield dans Dracula de Tod Browning. A la différence qu’il n’a pas l’air fou, il est Reinfield avant qu’il ne rencontre Dracula, il est Dwight Frye dans ses moments de lucidité.
Quelqu’un descend par la porte du bus, un garçon, et celine encore dans le bus, lui crie ‘A demain’.
La poignée de la porte d’entrée de l’appartement de celine se tourne, puis la porte s’ouvre, sur quelqu’un que nous ne voyons pas, parce que nous ne regardons pas assez longtemps. Nous préférons aller voir celine, dans sa chambre, il regarde la télé.
« Fin de la bobine. »
« Petit, j’ai eu une période où tous les soirs, quand la porte se fermait, j’échafaudais des plans pour m’enfuir. Les histoires de fugues d’un enfant, très simples, aller vivre juste en face du bâtiment, derrière une palissade. Et tous les soirs, je pleurais contre moi-même, parce que je n’avais pas pu le faire aujourd’hui, pas pu partir, et que demain, c’était obligé, ce serait la dernière chance. Les lendemains. »
Des immeubles la nuit, une profusion d’immeubles, les petits bâtiments de villes, des pavillons parfois, et nous voyons tout cela au niveau des toits, avec leur cheminés, en brique simple, surmontés de chapeau métallique, plus ou moins haute, des dizaines de cheminées, jumelles, sur le même toit ou sur un autre, et aussi, parfois, des tourelles sur les plus vieux immeubles, des tourelles qui les font ressembler à des châteaux forts, des fenêtres qui dépassent et déformes les toits, des balcons, des gargouilles sur une ancienne église. Ce sont les cheveux de la ville, sur son crane ;des lumières transparaissent à travers les vitres, pas partout, mais quelques fois, et très rarement, une silhouette noire se détache sur la lumière. La ville n’est pas endormi, si on ne voit pas son mouvement, parce qu’il est en bas, nous pouvons encore le ressentir, il fait nuit, mais nous sentons un pouls battre, et nous hallucinons parfois en pensant voir un super héros, Daredevil ou Batman, rampant sur le toit, sautant de missions en missions, pour sauver les gens ;non ce n’est pas eux, ce ne sont rien que les antennes télés et les câbles tendus entre les immeubles qui nous joue des tours quant ils semblent s’animer.
« Etrangement, je ne me souviens pas d’avoir pensé à ces choses en journée. A l’école primaire. En côtoyant les autres enfants. Ce n’était alors peut-être que les cauchemars d’une nuit. Une longue nuit qui revient à chaque fois. »
« J’ai arrêté depuis longtemps. Au profit parfois de rêves plus éveillés. »
« Suicide 1.0 »
Il fait jour, sur le toit d’un petit immeuble en cube, pas très haut alors, l’équivalent de 3 ou
4 étages, et le toit est plat, en béton. Au bord, se trouve celine, il fume une cigarette, comme on fume un joint, et il recrache la fumée plusieurs fois, en longs faisceau noirs.
celine jette sa cigarette, d’un geste ferme et viril, bien qu’il ne l’ait fumée qu’à moitié. Il monte sur le rebord de l’immeuble et se tient droit face à la chute. Il écarte ses bras, comme un christ.
« Je crois qu’il est nécessaire de signer son suicide. Dire quelque chose de définitif, pour se donner du courage. »
Gros plan sur le visage de celine, il ouvre la bouche pour dire quelque chose, et … Rien ne vient, il reste là, bouche ouverte, ses yeux témoigne de son manque d’inspiration, on remarque qu’il cherche quelque chose à dire, il cherche il cherche, toujours rien qui pourrait le transformer en génie incompris, rien qui pourrait faire que quelqu’un regrette sa mort.
En bas, sur la terre ferme et goudronnée, les passants se rassemble, ils ont vu celine, certains le montrent du doigts, d’autres débattent, ils regardent en l’air, par petit groupe. En fait, la majorité des gens n’a rien vu, ils continue à marcher en direction de ce qu’ils recherchent.
Et celine tombe, il se jette, les bras toujours plus ou moins en croix, il n’a pas sauté, non, c’était comme si on l’avait poussé, il est tombé dans le vide, le buste et la tête en premier. Nous le voyons d’en haut, d’au dessus. Il porte un simple jean et un t-shirt blanc. Et il s’écrase par terre, les bras toujours en croix, le corps raidit, il n’a pas explosé, sa tête n’a pas explosé, il juste par terre, à plat ventre, et peut-être d’ailleurs n’a-t-il pas encore touché le sol, peut-être n’est-ce qu’un effet d’optique du au fait que nous soyons au-dessus, peut-être qu’il tombe encore, à quelques centimètres au-dessus du sol.
Un homme d’une trentaine d’année, le visage rectangulaire très fin, les cheveux courts et bruns, est sur la rambarde du balcon d’un appartement très chic et moderne, il marche le long de la rambarde comme un funambule, entre les fleurs accrochés, et le vide. Il fait nuit, des milliers d’étoiles brillent derrière lui, il sourit. Une jeune femme aux cheveux lisses et noirs au carré dit ’Arrête. Descends’
« Suicide 1.1 »
’université. celine est habillé en combinaison militaire, et il porte plusieurs armes sur lui. Dans ces bras en ce moment, une mitrailleuse, et il tire, des rafales, sur d’autres élèves, normaux, un roux plutôt mignon, un groupe de deux ou trois mecs en maillot de football, et aussi les types auquel il avait serré la main dans les scènes coupées au montage.
celine change d’arme, il dégoupille une grenade, et la lance à travers la porte d’une salle de classe, à moins que ça ne soit la salle des profs, ou un bureau du secrétariat. Il répète l’opération trois fois en tout, et à chaque fois, il y a plus de fumées qui envahi notre champ de vision, la fumée d’une nouvelle explosion s’additionnant à celles des précédentes.
ette fois, celine s’empare d’un simple pistolet à main, un automatique, qu’il braque devant lui. Et devant lui se trouve une jeune fille de son âge. A quoi ressemble-t-elle ? Je ne sais pas. Sûrement à la fille pour laquelle vous craquez, ça n’a aucune importance, elle est jolie, simple, pas hautaine. Un pistolet devant son visage, et elle sourit encore.
« Faut-il la tuer. Elle. »
Autre temps, au détour d’un couloir, cette même fille est là, toute seule, elle attend apparemment. Ce couloir, nous l’avons déjà vu, lorsque celine déambulait en tuant des élèves. Il n’est pas très large, de chaque côté, des portes ouvertes, des portes closes, estampillés de pancartes officielles. Nous voyons tout le couloir parce que nous sommes au fond, et que la jeune fille est à l’opposé. Nous avançons doucement, jusqu’à mi-distance et nous restons immobile, trop timide.
celine apparaissant face à nous, sans armes, habillés différemment, forcément cela n’est plus de l’ordre du phantasme. Il reste lui aussi immobile quelques temps, et c’est comme si il nous regardait nous, dans les yeux et le visage légèrement ancré vers le bas. Puis il bouge, avance, et c’est nous qui sommes immobiles, pas lui, il est possible qu’il ne l’ait jamais été, il s’en va dans la direction de la fille, passe à côté d’elle, et jamais leurs regards ne se croisent, elle regarde droit vers nous, pas vers lui. Et lui non plus.
« Je l’ai remarquée dès le premier jour. Pas qu’elle soit extraordinaire, que ce fut le coup de foudre. J’ai remarqué beaucoup de monde. Mais elle est restée présente les semaines qui suivirent, tandis que d’autres se fondent dans le décor et disparaissent. Régulièrement, c’est elle que je croisais sur mon chemin, et personne d’autre. C’est sur elle que mes yeux se posaient accidentellement avant de redécoller. Contrairement à beaucoup d’autres, je ne pouvais pas l’oublier. »
Une enfant, à peu près sept, huit ans, elle se tient debout sur ses petites jambes assurées et potelés, son visage est déjà féminin, mais rond comme celui d’une boulangère, ses cheveux sont ramenés sur son crane, ils ne sont pas longs et le paraissent encore moins de cette façon, elle ressemble à une version enfant de la Princesse Leïa, tout droit sortie d’une énième prequel à la Guerre des Etoiles. Elle porte des vêtements de petite lolita, un pantacourt, un petit top échancré sur des seins qui n’existent pas. L’enfant rit d’abord, il lui manque une dent de devant, en haut, les autres sont là, mais à la place de celle-là, un vide noir. Ça repoussera. Elle rit son corps tout entier pencher vers l’avant, la tête la première, puis dans le même élan, elle se met à crier, à crier bouche grande ouverte, on ne voit plus ses dents et on ne voit plus celle qui manque, c’est un caprice, elle veut sans doute quelque chose, ses joues rougissent, son corps en avant se raidit, elle plisse les yeux, hurle quelque chose, elle n’est pas effrayée et elle crie encore, un petit cri aigus, longs et chiant. Il est fait pour ça. Elle veut qu’on arrête de la regarder.
Notre fille de tout à l’heure, se brosse les cheveux, dans un endroit qui ne ressemble pas vraiment à une salle de bain, elle se passe le peigne dans ses mèches raides, qui perdent les formes naturelles pour redevenir lisse et droit, un petit trop, le visage de la fille ressort trop sur ses cheveux plats, alors elle ébouriffe légèrement chaque côté de son crane à l’aide de ses deux mains, malencontreusement, son coude cogne contre un élément mural. En fait, c’est la vitre d’une voiture, elle est assise sur le siège arrière gauche, nous ne voyons qu’elle, il pleut dehors, la voiture à l’air assez vieille, la tôle est apparente à l’intérieur, de couleur rouge.
La fille se regarde dans le miroir et nous sommes le miroir. Ses yeux rougissent, se contractent, elle fait une grimace, exprès, elle tire la langue, elle se tire la langue à elle-même. Cette fois, elle est vraiment dans une salle de bain, grand, presque trop pour être la sienne. Tout y est métallique, l’évier, le pose serviette, les poignées de portes, les portes. Avec les doigts, elle se frotte le nez, rapidement, tout doucement, puis les yeux, plus longuement. Elle enlève ses doigts, et des larmes commencent à couler, une à gauche, elle descend le long des courbes du visage, et une fois près du menton, une autre se détache de l’œil droit.
La fille attablée à un petit bureau blanc, dans une chambre de jeune fille, une chambre de fille beaucoup plus jeune qu’elle ne l’est, treize ou quatorze à en juger par la couleur blanche partout, les posters de dauphins, le dessus de lit en dentelle, du rose. La fille pleure, la tête posé sur ses bras croisés, ce ne sont plus une ou deux larmes, mais une centaine, d’autres déjà séchées, le maquillage autour de ses yeux qui a coulés. A ses côtés, une boite de mouchoir bien entamée, et des mouchoirs en boule, une dizaine, certaines tachés de noir. Le maquillage.
« Le bruit d’un ogre qui mange »
« Le bruit d’une orgie »
Des gens rient, nues, ils dansent en queue, certains s’embrassent dans une pièce à la Kubrick. Leurs rires.
La fille mange, assise à une table, ce n’est pas vraiment une table de cantine, il n’y a pas de plateau, mais une assiette de pattes, des spaghettis, qu’elle mange sans entrain.
« Commencer à rêver d’elle. Commencer par ça. Un faisceau se forme, un faisceau qui est elle. Rêver, et se réveiller dans des lieus insolites en pensant à elle. »
celine est immobile au milieu d’un trottoir, près d’un lampadaire éteint puisqu’il fait jour. Il fait gris, bien qu’il ne pleuvent pas, il n’y a pas vraiment beaucoup de monde dehors, sans doute un matin, des voitures défilent sur la route, à gauche de celine, la rue est à sens unique, elles vont tous dans le même sens, elles remontent à contre-courant par rapport à lui.
e l’autre côté de la rue, encore plus à gauche que la route, il y a un autre trottoir, très large, pavé de gris, plusieurs personnes passent, très espacés. Parmi eux se trouvent un homme qui ressemblent étrangement à Dwight Frye dans le Dracula de Tod Browning, Dwight Frye quand il est fou, le sourire aux lèvres, les yeux ronds et grands ouverts. Il marche tout droit, le dos légèrement courbés, mais la tête très tendue, il porte une cigarette à sa bouche, du bout de doigts, tire dessus, du bout des lèvres.
Cet homme disparaît plus loin dans la rue, celine l’a regardé partir, il s’est retourné, nous le voyons de dos, la tête qui suit encore l’homme. Puis, il revient comme il était avant, planté au milieu de la rue, il reste immobile et rêve encore.
Quand le champ s’élargit à nouveau, celine voit l’homme repassé dans l’autre sens, il porte une chemise à carreau bleue, comme tout à l’heure, et fume encore sa cigarette, à tel point que ça doit être une nouvelle.
« Je ne connais même pas son prénom. Comment pourrais-je ? Je ne suis pas obsédé, je ne vais pas aller le demander à droite à gauche, à elle. Contrairement aux apparences, je pense assez peu à elle, ou alors je ne m’en rappelle plus. Elle n’est pas là toute les nuits, elle n’est pas là tout les jours, c’est juste qu’elle revient régulièrement. »
Son visage, nous ne voyons que lui, elle regarde vers le bas, elle regarde son propre corps, et nous ne voyons pas, pas encore, nous ne voyons que son visage, et le début de son cou.
Son nombril est le milieu du monde. Au-dessus, de la peau lisse, douce, sur plusieurs centimètres, puis le galbe de ses seins, juste avant d’être coupé par notre champ de vision, pas de gros seins, mais un galbe prononcé, rond, ses seins ont même une ombre, de même pas un centimètre, juste en dessous.
Elle se touche le ventre de sa propre main, la droite, elle a les ongles recouvert d’un vernis bleu clair, elle se caresse au-dessus du nombril, et une inscription apparaît là, sur son ventre, en rouge, comme celui d’un rouge à lèvres, ou d’une encre qu’elle se serait mise au bout de l’index.
« A »
« Ann »
« Anne »
Elle inscrit des prénoms sur son ventre, nous ne voyons que son ventre, pas ses jambes, pas son visage. A chaque fois, un nouveau prénom, et l’ancien à disparu.
« Julie »
« Michelle »
« Karen »
« Audrey »
Elle écrit comme si elle était morte, le trait mal affirmé par son doigt. Et elle nous laisse sur cette inscription :
« ? »
Un point d’interrogation, magnifiquement formé, énorme, longeant son nombril.
Une ampoule rouge s’excite dans son boîtier de plastique. Elle clignote, contaminant par intermittence les murs tout autour. Elle indique le danger, c’est une alarme, en dessous, une cloche de métal est martelée mécaniquement, elle émet une longue sonnerie semblable à une plainte, qui ne s’arrête jamais, sans temps morts, constamment, son cri se proPAGE, produit grâce à l’électricité. Que se passerait-il si l’incident qu’elle doit avertir en venait à couper l’électricité ? Alors il n’y aurait plus que les hurlements des victimes pour avertir, la cloche sert à ça avant tout : couvrir le hurlement de douleur des blessés.
Le son d’alarme passe dans toutes les salles de l’université, et arrive à l’amphithéâtre. A chacun de ses quatre coins, des ampoules rouges clignote, interrompant un cours suivit par plus de 100 personnes, qui lèvent la tête au fur et à mesure, qui se mettent à ranger leurs affaires, à partir, très calmement.
‘Nous allons sortir comme si de rien n’était, parce que c’est la procédure.’ Dit le prof, chauve, embarquant son sac sous le bras et se dirigeant vers une grande porte, au niveau inférieur de l’amphi, suivit par une masses d’élèves.
Les derniers élèves rangent encore leurs affaires, alors que sur le table se trouvent encore des trousses, des cahiers, même des téléphones portables, laissés par des gens plus pressés, plus effrayés. Dans la foule, on reconnaît peut-être celine. En passant, quelqu’un embarque un téléphone portable, vu sa tête et l’endroit d’où il venait, ce n’est pas le sien, mais déjà il s’est fondu dans un groupe, on ne le voit plus.
La foule fuyant dans les couloirs étroits est effrayante, coincé au milieu, une fille, les cheveux gras, un gros nez, à l’air d’étouffer, elle se débat, les bras en l’air, la tête, elle essaye de sortir la tête. ‘Poussez pas Poussez pas, merde.’ Autour d’elle, des gens d’un peu moins de 20 ans, personne n’est réellement effrayé, personne ne pousse, ne cherche à sortir à tout près. Malgré tout, quant vous réunissez tant de personne dans un petit espace, avec une sirène en fond, des flashs de lumière rouge, et une seule porte au bout pour sortir, l’atmosphère devient vite boite de nuit.
Dans des escaliers, nous retrouvons celine, descendant lentement, suivant le mouvement, entouré de personne qu’il ne connaît peut-être même pas, il scrute de la tête autour de lui quelques instants, se laissant porter par les autres, à la recherche de quelqu’un qu’il connaît, personne, alors il se remet de la sens de la marche et avance tranquillement, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que sa tête qui dépasse, et qu’il soit en vue d’une sortie, lumineuse tout au bout, tout le monde se dirige vers là, en randonnions bien disciplinés, comme des zombies dans un film, attiré par la lumière de la vie, hors de leur tombe, où on leur promet chair fraîche et meurtre, enfin retrouver ceux qu’ils ont aimé et ce venger de ceux qui les ont tués.
A l’extérieur, les flux d’élèves se déversent rapidement de tous côtés, par une demi-douzaine de portes, en dehors des différents petits bâtiments, de deux ou trois étages, étendus en carré sur deux cents mètres. Ils sortent tous le parking, à des coins différents, au milieu des voitures, des quelques coins d’herbes, des endroits pour accrocher vélos et motos. Une fois dehors, les élèves se retrouvent en groupe, s’occupant légèrement de savoir qui est déjà sorti, et vite, plus personne ne pense à la menace, trop content de retrouver ses amis pendant que le cours est annulé.
celine sort à son tour, alors qu’il reste encore beaucoup de monde qui débouchent de tous côtés.
Le professeur chauve sort d’une autre partie du bâtiment d’où est sorti celine, il sort tous seul, par une porte dérobé, et il se place au milieu du parking, là où il n’y a personne, pas même de voiture, assez proche du groupe de celine, il se fait le plus grand possible pour être vu de tous.
‘C’est une fausse alerte. Nous resterons dehors le temps que l’alarme soit réparée. Ou en tout cas, jusqu’à ce qu’elle soit coupée.’
Certains n’ont même pas écouté, ceux qui l’on fait rigole de leur sort, et bénissent la défaillance du système électrique. Les gars avec celine sourient.
Un flocon de neige tombe soudain, et atterrit sur le crane chauve du professeur. Il sursaute presque, regarde autour de lui, personne n’a rien vu, personne n’a vu sa réaction enfantine et peureuse. D’autres flocons se mettent à tomber et cette fois, un peu partout, tout le monde est en extase. Ce sont des flocons très fins, presque de la pluie, mais qui ne mouille pas du tout, et que l’on voit, de la pluie blanche et solide.
La fille moche de tout à l’heure sort par la même porte que celine. Cette fois, elle est bel et bien la dernière, son visage est rouge d’épuisement et personne ne la remarque, ce qui fait l’actualité maintenant, c’est la neige, ce n’est pas sa petite crise de panique. Elle respire de soulagement, grâce à cette neige, elle vient d’éviter la honte.
Sur le parking, à quelques mètres du groupe de celine, un type aux cheveux courts, teintés en rouge se détache des autres, il se met là où il n’y a personne en sautant, touchant le neige du bout des doigts. Il devait être blond et frisé au naturel. Il ressemble à un skateur, le visage viril d’un adolescent. Il penche le buste en arrière en rigolant, ouvre la bouche et sort sa langue, un piercing bleu au bout. Il tente de goûter la neige, il avance comme une scolopendre et récolte des flocons.
PAGE 20
Breaking news : »
Les rues d’une grande ville quelconque. Ce sont peut-être les Champs Elysée, nous voyons ses grandes boutiques, ou bien alors New York, Manhattan, les magasins très chics. Des gens marchant sur le trottoir, ce n’est pas la cohue mais ils sont tout de même assez nombreux, les bras embarrassés de paquets. Il fait plein jour, sans doute l’après-midi.
« Un homme s’est fait exploser cette après-midi en plein centre ville. Il n’y a aucun blessé, bien que l’homme soit mort. Personne n’a encore revendiqué cette attentat. »
Un homme s’arrête au milieu de la foule, habillé en noir, son crane est légèrement dégarni sur le devant et sur le reste du crane, ses cheveux sont courts, en petite mèches rondes. Immobile, personne ne le voit. Il ressemble à n’importe qui, à u homme normal, le plus normal possible, ni un raté ni un gagnant. Ni un riche, ni un pauvre. Il fouille dans sa poche de la main gauche, et en sort une grenade, petite et verte. Il la dégoupille rapidement, sans regarder autour, il ne regarde que la grenade, la place sur son ventre en la tenant dans sa main gauche, il pose la main droite encore pardessus, plie légèrement les jambes, arrondit son dos, il rentre sa tente vers son ventre. Toujours immobile, personne ne le remarque, en boule, il attend quelque secondes, tout entier rentré en lui-même, nous ne voyons ni son visage ni son regard. Personne ne passe à proximité immédiate de lui quant il explose. Il forme une boule lumineuse qui commence dans son ventre et s’étend à toute sa masse, puis il disparaît. Quand la fumée se dissipe, il n’y a plus rien, sauf un cercle brûlé dans le bitume et du sang. Du sang partout, par terre, sur les vitrines chics, sur les enseignes, sur les bancs publics, et sur les gens. Sur leurs vêtements, leurs grosses vestes, leurs cheveux. Notre regard croise une vieille dame, le visage maculé de sang et de tripes, les cheveux rougit, tout cela appartenant à l’homme mort. Des dizaines d’autres personnes sont dans cet état, et personne n’est blessé. Il n’y a que le kamikaze, son sang, et la bouillie de son corps.
« Week-end en famille »
Au milieu de l’herbe haute et verte du printemps, un convoi familial se trace un chemin, d’abord la femme la plus âgée, environ 55 ans, les cheveux roux colorés, pas beaucoup de rides, puis le reste deux parents, un ou deux enfants blonds, un autre homme, une femme seule, elle aussi rousse colorée, mais plus jeune et son ventre est arrondi par la maternité. celine ferme la marche en débardeur blanc, un brindille dans la bouche comme un vrai campagnard, et une certaine touche de classe il faut l’admettre. Les enfants blonds vadrouillent à gauche à droite, l’ambiance semble joyeuse, le soleil est là, bien que personne ne se parle réellement. Des papillons violets flottent dans l’air. La prairie s’étend à perte de vue, la ligne d’horizon est verte de l’herbe, et bleue du ciel.
Plus tard, arrivé à l’objectif, un petit cour d’eau, peu profond mais large, s’étend entre des rangés d’arbres, et la famille s’est installée sur une petite plage de cailloux. Aucun ne ressemble à quelqu’un de la ville qui vient s’endimancher à la campagne. celine est dans l’eau, il avance perpendiculairement au cour, l’eau lui monte jusqu’à la moitié des mollets laissant son short orange intact, elle est d’un bleu pur, translucide. Les adultes eux sont assis sur les cailloux, ils sortent des casses croûtes de panier et de sac à dos. La femme enceinte, très belle mais pas si jeune que ça, les pieds nus, lit un livre, d’une collection romantique à en juger par le rose de la couverture. La plus vieille, assise les pieds d’en l’eau , joue avec les petits blonds.
Le soleil est très fort, il se reflète à la surface de l’eau, la rivière se gonfle de reflets, de petits feux follets inoffensifs. celine est au milieu de la rivière, l’eau lui monte jusqu’au genou. Un des enfants blonds, le cheveux coupés au bol, s’approche de lui, presque en nageant, l’eau jusqu’au bassin. Il lève la tête, le soleil fasse à lui, les yeux plissés, pour regarder celine. ‘Le soleil fait mal aux yeux, hein ?’ celine répond : ‘C’est parce qu’il se reflète dans l’eau. L’eau est trop pur.’
Je vais y retourner seul demain. »
u milieu de la rivière comme hier, se trouve celine, mais il n’y a plus personne d’autre, et il est totalement nu. Sa bite pend vers le bas, ses jambes sont couvertes de poils noirs, son torse est plus légèrement pileux. Il regarde l’eau, la surface de l’eau, puis il s’assoit les faces dans l’eau. Son ventre est immergé à moitié, les genoux relevés, les bras dessus, il pose sa tête entre ses bras, le regard toujours devant, suivant le cour d’eau.
Il quitte sa position et se lève en quatrième vitesse, surpris par quelque chose dans l’eau, son regard scrute le fond, et croise un poisson. C’est un gros poisson bien gris, d’environ quinze à vingt centimètres, de grosse écailles bien visibles, une vraie queue de poisson, des branchies apparentes, une bonne bouche ronde. Il ressemble à l’archétype du poisson, un poisson de dessin, très jolie poisson d’ailleurs, absolument pas effrayant. Comme celine a bougé, il nage rapidement, porté par le courant, il disparaît. Bientôt, un, deux, trois ou quatre autres poisson de la même race arrive en direction de celine, éparpillé sur la largeur de la rivière.
n des poissons passe à sa hauteur, et dans un geste incroyable, sur humain, le bras de celine fend l’eau, se dirigeant directement vers le fond et le poisson, la main se resserre autour du corps brillant et celine le sort de l’eau. Il le tient en main, l’ausculte, le poisson se débat, sa queue bat l’air, celine le retourne à l’envers, regarde ses écailles, le sent fondre entre ses doigts. Une fois tout cela finit, il replonge sa main et l’ouvre, le poisson file sans se retourner, et disparaît.
Reste celine, nu, se dirigeant vers le bord, où se trouvent ses vêtements éparpillés, un jean, un t-shirt, et à côté, un petit lecteur radio-cd portable avec enceinte intégrée. Il appuie sur un bouton avec ses mains trempées, de grosses gouttes tombent sur la mécanique, sur les autres boutons. La musique se met en route, les enceintes pulsent tout doucement avec l’air.
celine retourne dans la rivière et se met à danser, principalement en remuant ses jambes, qui elle-même agitent l’eau.
A l’intérieur d’une bonne grosse cheminée, brûle du bois fraîchement coupé. Le feu se développe en plusieurs foyers qui se rejoignent.
’intérieur d’un chalet en bois, très cossu, profite de cette chaleur. La pièce principale où se trouve la cheminée est assez grande, il y a un canapé en peau où sont affalés la vieille femme et le couple de parents, à l’opposé se trouve un piano semi électronique, tout l’air d’un vrai, en bois laqué noir, mais un petit écran lcd surmonte le clavier. Entre les deux, un fauteuil de bois contient celine presque endormi, un verre de champagne à la main.
La femme enceinte se trouve dans la cuisine ouverte sur la pièce principal, entrain de faire du thé dans une théière copiée sur la mode japonaise. L’homme célibataire, une trentaine d’années, les yeux bleus, sort de la cuisine et se dirige vers le piano. Il s’assoit, ouvre le clavier, pose ses doigts sur les touche, les parcours quelque temps, il les caressent d’abord, puis les enfonce tout doucement, une par une, jusqu’à former un mouvement souple et lent, et jouer une musique envoûtante.
« Ce soir-là, en le regardant jouer, je compris que je n’avais aucun talent. Je ne savais rien faire à part penser, occuper mon esprit tout le temps, à penser que je n’avais aucun talent. »
Et l’homme continue à jouer, les yeux mi-clos, il chante même quand la femme enceinte rejoint le reste de la famille sur le canapé, un tasse à la main, juste à côté de la grande table de bois vert où traîne encore la vaisselle sale.
« Breaking news »
Une métropole à nouveau, sur cinquantaine mètres à la ronde, tout les passants sont entrain de manger un hot dog, la saucisse bien chaude et le ketchup qui dépasse du pain, rattrapé par la serviette de papier blanche, évitant de justesse les colles de chemises, coins de bouches, et vestes en cachemire. Les mouvements sont réduits pendant qu’ils mangent, ils avancent plus doucement, parfois en rond, juste pour laisser plus aux nouveaux arrivants.
Nous apercevons la petite baraque qui vend les hautes dog, un camion, posé au bout milieu de la rue piétonne, la carrosserie annonçant la carte, les tarifs et les formules. A l’intérieur, un petit homme souriant à la moustache noire et grisonnante s’active seul à faire face à la queue de clients.
« Hier, un attentat gastronomique a touché nos rues. Le restaurateur a été placé en garde à vue, interrogé par la police, il aurait nié toute connaissance de ce qui allait se passer. Il devra faire face à la justice et aux dizaines de plaintes déposées contre lui. »
Tout le monde mange des hot dogs, du cadre propre à la femme richement mariée, en passant par les jeunes punks filles et garçons. Au même moment, les yeux de ces gens éloignés de classe se font énorme, sous l’effet de la surprise et de la suspicion, ils fixent leur hot dog respectif. Cela dure un instant. Et puis le hot dog explose, comme si la saucisse était un pétard, et que chaque pétard était relié au même détonateur. Le pain est expulsé, brûlé il part en milles morceaux ;la saucisse elle disparaît simplement dans un monde parallèle et personne ne la reverra jamais. Il reste donc le ketchup, encore chaud, il éclabousse le visage et les vêtements de son ogre, celui qui voulait le manger. Une vingtaine de personne qui étaient entrain de manger se retrouve couvertes de matière rouge, les femmes les plus vieilles et les plus maniérées crient même. La bouche, les yeux, les cheveux, le cou, les joues, rien n’échappent aux mini projections rouges.
Terminons donc cette évocation sur le visage en gros plan d’une punkette, et de son piercing au menton qui reflèteraient presque la scène ;entre ses mains, de la fumée et des morceaux de pains, et sa figure est tachetée de ouge, ses cheveux le sont déjà depuis quelques semaines, depuis sa couleur, qui vire plus au rose maintenant.
La pièce, s’il s’agit bien d’une pièce, est plongée dans le noir de tout côté, elle peux s’étendre sur des dizaines de mètres ou se refermer sur elle-même, c’est un château ou un cagibi. Au centre, la seule lumière provient d’une télévision allumée, les images qui y passent nous sont invisibles, nous ne distinguons que la couleur principale, changeant à chaque instant, pour former un kaléidoscope. Eclairé de cette manière, celine est assis dans un canapé, ou un fauteuil, même ça on ne peut le dire, il a l’air bourré, un plateau repas sur ses genoux, pattes et jambons, et surtout une bouteille de whisky, avec son étiquette orangée, et sans bouchon, c’est plus rapide.
‘Vous voulez savoir quelque chose ?’ celine s’adresse à nous, violemment, en postillonnant.
‘Je suis (presque) orphelin. Mes parents sont morts. La terre entière est morte.’
Il porte une sorte de veste de survêtement rouge, ouverte sur le même débardeur blanc qu’à la campagne.
Il prend un gros morceau de jambon entre deux doigts, le laisse pendre près de sa bouche et l’attrape au vol, puis l’avale. Tout de suite après, il enchaîne sur une gorgée de whisky, à la bouteille, la tenant entre ses mains graisseuses.
‘Ce soir, je me demande si le soleil va se relever.’ ‘Et bizarrement, je pense à une bitte. Ma bitte peut-être, pas sûr. Le gland rouge et gonflé, prête à exploser, inhumaine et proche. Agressive, elle n’a jamais aimé personne.’
Un papillon de nuit passe dans le faisceau lumineux de la télévision, il est brun, étrange cousin d’une feuille morte en automne, trimballée par le vent. Il se pose sur l’écran de télévision.
‘Putain de papillon’, sauf que cette fois, celine ne s’adresse plus à nous mais à la télévision, à l’être qui se repose dessus.
celine se lève, s’approche de l’écran le bras levé en signe d’agression, alors le papillon sentant le danger, s’envole à nouveau, virevolte à la hauteur du visage de celine, qui se débat comme une jeune fille, les deux bras battant l’air pour essayer de le toucher, le rouge de son survêtement éclairé par la télévision dessine des formes aléatoires dans le noir.


De jour, nous sommes quelqu’un arrivant à l’université, nous avançons d’abord dans la rue, longeant de près la rue, les voitures qui entrent sur le parking, nous croisons deux ou trois personne elles aussi à pied, parfois étrangement vieille pour des étudiants, la quarantaine bien tassée. Nous passons le portail vert, nous marchons sur le bitume, nous apercevons les élèves dehors, devant l’entrée, attendant que l’heure ne laisse plus d’autres choix que de rentrée. Les gens fument, rapidement, taffe sur taffe, ce sont les plus nombreux, le reste se contentant de discuter.
Nous passons près d’un groupe de fille, elles sont six, qui forme presque un cercle fermé, brisé par certaines qui fument ;une fille aux longs cheveux noirs et frisés a les mains dans les poches de sa petite veste noire, elle nous regarde passer ;pas très loin à côté d’elle, toujours dans le groupe de fille, se trouve la jeune fille de celine. Les filles discutent à voix basse, comme si elles partageaient des secrets, elle rient, font la moue, …
Nous rejoignons un groupe de garçons. Nous nous joignons à eux, ils nous reconnaissent. ‘Salut’ Salut’. Les mecs sont tous assez stylés dans leurs genres, des sportifs aux rockeurs. Ils sont une petite dizaine. L’acnés se montrent encore sur certains visages, plus comme avant, maintenant il ne reste plus qu’un masque de peau rougie presque inhumain. Ça n’est pas la franche convivialité entre ses garçons, ils sont à peine des connaissances.
‘J’ai faillit me faire arrêter hier soir.’
‘Non, où ça ?’
‘En ville. Je me promenais tranquille. Ce qui était con d’ailleurs, je devais rentrer chez moi tout de suite.’
‘T’as été contrôlé ?’
‘Ouais presque.’
‘Les gars sont venus vers moi. Ils étaient encore jeunes quoi, en plus. Trois, genre 5 ans de plus que nous, et pas de vieux chef. Dans les nouveaux uniformes des keufs.’
‘T’en as rien à foutre d’être contrôlé, tu garde tout chez toi.’
‘Ouais, là, j’étais chargé à bloc. J’avais rien pris pour moi, mais je revenais de Suisse les poches bien pleines pour assurer vos putains de consommation. Le sac à dos plein à craquer.’
‘J’ai bien fait de pas venir alors. J’ai eu l’idée du siècle sur le coup.’
‘Aucun problème à la douane, pas de contrôle. Et au milieu de la rue, ces gars se la ramènent comme si ils me connaissaient. Salut, ça va et tout. Papiers. Je les sors, pas de problèmes, et la flicette veux que je lâche mon sac, histoire de voir ce qu’il y a dedans. Juste à ce moment-là, y a une voiture qui freine comme une malade sur la route à côté. Même avec ça, ils continuent à me faire chier pour que j’ouvre mon sac. On entend comme des cris près de la voiture qui a freinée. Quelqu’un appelle Police Police. Et ils ne bougent pas. Et moi je traîne pour pas sortir mon sac. Alors, quand il y avait plus de bruit, que tout le monde c’était calmé avec l’accident, ils m’ont dit Ok, c’est bon pour cette fois. Et si ils sont partis voir ce que ce passaient là-bas.’
‘T’as eu chaud.’
‘Ce qui veut dire que je suis blindé en tout ce que vous désirez.’
Sourire presque homo-érotique. On sent sa bitte pulser sous ses vêtements.
‘Et moi …’ rajoute un autre. ‘Hier soir j’étais au magasin, et je vois mon ex prof de musique, un gros comme ça, et cet enfoiré était avec une meuf, 18 ans, super bonne. Et il lui plotte le cul, lui roule des pelles.
Nous n’avons rien dit.
De la même façon, nous nous plaçons dans le groupe des filles.
‘Tu as vu Paul, plutôt mignon.’ Dit la fille aux longs cheveux noirs et bouclés
‘Laisse tomber, c’est un imbécile en fait. Il est trop coincé.’ Répond la jeune fille à celine
‘J’aime bien son style, c’est tout.’
‘Si tu veux mon avis, tu ferais mieux de bien aimer celui de Cédric, parce que lui il craque pour toi.’ Ajoute une troisième.
‘Sauf qu’il est pris.’
‘Et alors ? Je crois pas que c’est ça qui va l’arrêter.’
‘Dis ça, ça me rassure sur mon mec.’ Quant une quatrième prend la parôle
‘Mais toi, il est pas ici, alors tu t’en fous. De toute façon, y a pas d’intérêt à sortir avec des mecs d’ici. On les voit tous les jours. T’imagine les problèmes quant tu rompt, à chaque fois tu le croise, et en plus, il raconte tout à ses copains, et eux aussi tu les croisent.’
‘Faut qu’on se fasse une sortie en boite toutes ensembles, là on va trouver des mecs biens.’
‘Ouais, je sais pas.’ Dit la fille aux longs cheveux noirs et bouclés.
‘Allez viens ! On s’est bien trouvée, on a de la chance.’ Termine la jeune fille à celine.
Si les filles donne l’impression de se parler en petit duo, c’est pour que les autres ait l’impression d’écouter aux portes.
A un autre moment, celine est assis par terre dans les couloirs de l’université, les genoux relevés, presque comme il l’était dans la rivière, il porte à nouveau son haut de survêtement rouge. Il tourne la tête doucement vers la gauche, et là-bas, au fond du couloir, il y a la jeune fille debout, qui discute avec un mec, c’est celui aux cheveux rouges, il place son bras tendu la main contre le mur, juste en passant au dessus de l’épaule de la fille. Elle rit, il parle, ses dents à lui sont très blanches alors qu’un flot continu de mots sort de sa bouche.
Dans la pièce noire, celine est toujours debout, bien que le papillon de nuit ait disparu, illuminé, il s’adresse à nouveau à lui, le visage en avant, tendu, violent, de la salive apparaît parfois entre ses gencives.
‘Comme les autres. Elle est comme les autres. J’aurai du le savoir, le deviner au premier regard et ne pas me laisser infecter. Je dois arrêter de rêver, car elle ne rêve pas. Elle ne pense pas qu’elle n’est bonne à rien. Elle ne pense pas. Elle vit !’
celine s’arrête soudain net. Il ne bouge plus, ne parle plus, son crane est immobile, ses pupilles se dilatent. Il écoute quelque chose, il tend l’oreille vers un endroit inconnu, vers le noir, l’ombre. Il se met à marcher très doucement, disparaît dans le noir, pour réapparaître quelque seconde plus tard, avec le même visage interrogateur, presque effrayé et effrayant. Il s’approche encore plus de nous, il semble à demi fou, viens nous parler tout doucement.
‘Il m’a semblé l’entendre, parler et puis chanter. Mais je ne sais même pas à quoi ressemble sa voix.’
celine se retourne, dos à nous, attrape une télécommande, touche à un bouton en direction de la télé, mais rien ne se passe, aucune différence de couleur ou de luminosité. Il nous fait rapidement à nouveau face. Moins effrayé, il crie à nouveau, complètement haineux.
Tout le monde est pareil. La même personne !’
Un défilé immobile se met en branle, des filles adolescentes, toutes plus belles les unes que les autres se tiennent debout, les fesses légèrement déhanchée, un sourire au lèvres.
Le défilé continue. Sur la petite dizaine de filles, certaines sont maquillées, d’autres pas, des blondes, des brunes, des filles à la peau très blanche et aux yeux bleus, certaines ont presque l’air jumelles, seul la taille de leurs seins différents. Elle sont de face, et le fond derrière elles est de couleur unie rose, parmi elles toutes, à un moment, apparaît la jeune fille de celine. Le défilé s’achève sur une jeune fille blonde, sosie totale d’une poupée Barbie quelconque.
Très lié à la scène précédente, dans un supermarché, un homme, quarante ans, en bleu de travail, entreprend de poser des poupées Barbie dans un rayon. Sur plusieurs mètres, il n’y a que ça, en largeur comme en hauteur, dans leur petites boites roses apposées du sigle de la marque. Chaque poupée est différente, avec un nouvel accessoire, de nouveaux vêtements, une nouvelle coupe de cheveux, et un nom différent. Peut-être que le défilé n’était que ça, peut-être qu’une caméra solitaire se promenait le long des boite, afin d’apporter des images réconfortantes et excitantes aux petites filles à l’approche de Noël.
Le rayon est presque plein déjà, il ne reste plus qu’à fignoler. L’homme pose la dernière poupée, se recule, observe son ouvrage, sans fierté, juste pour éviter une longue et ennuyeuse discussion sur la qualité de son travail avec son supérieur. Justement, un homme plus jeune que lui approche, habillé en costume noir sur chemise blanche et cravate noire, le tout soutenu par des bretelles ridicules dont on aperçoit un bout. Il se poste à côté de l’homme en bleu de travail, qui ne réagit pas, il continue à regarder son ouvrage, et enfin, après de longues secondes, il daigne se tourner vers son supérieur.
‘Je sais que ça ne se fait pas, mais tu va devoir bosser cette aprèm’. On a un gros arrivage à décharger.’ Dit le supérieur.
‘Ah non, cette après-midi, je suis avec ma fille.’
‘Pas possible. C’est ton boulot. Et puis il va faire un temps dégueulasse, paraît-il.’
‘Tant mieux pour toi, tu regrettera pas de devoir bossé, mais moi je me tire.’
L’homme en bleu de travail remonte son rayon, faisait fi de son supérieur.
‘Tu pourrai perdre ton job.’
‘Nan, parce que je serai là demain matin, comme d’habitude.’
Au bord d’un lac, sur un chemin paysager de sable, l’homme anciennement en bleu de travail déambule en tenant la main d’une petite fille de cinq ans. La surface de l’eau est très plane, sombre, et le lac, artificiel, forme un rond parfait. Aux alentours, il n’y a pas de grands arbres, ce qui renforce l’impression d’être sur une grande plaine, avec du brouillard tout autour à l’horizon. Seul des arbustes, des buissons et des sols pleureurs viennent niveler la topographie, un peu à l’écart du bord de l’eau, dans l’herbe, le long de chemins qui remontent et s’éloignent du lac. La petite fille ne marchent pas, elle sautille, et son père suit la cadence.
Des gouttes d’eau se mettent à tomber assez subitement. Après tout, la météo et son supérieur l’avait prévenu, mais ça ne dérange pas la petite famille. Les gouttes redoublent en nombre et en puissance, le père se met à courir, intimant l’ordre à sa fille de faire pareil, car aucun des deux n’a de capuches et leurs vestes ne sont pas réellement imperméables.
En trottinant, ils prennent un chemin qui s’éloigne de l’eau, et le père les dirigent vers un sol pleureur, pour s’abriter de la pluie. Ils rient tout les deux, le père écarte les petites branches pleines de feuilles du sol pleureur pour que sa fille puisse pénétrer dessous, au sec. Ils s’y trouvent tout les deux maintenant, les cheveux et les vêtements trempés, recouvert par endroit des petites feuilles du sol pleureur.
Le père a les cheveux plus longs qu’on pourrait le penser, mouillés, ils lui descendent presque jusqu’aux yeux. La petite fille s’est mis au centre de l’arbre, blottit contre le tronc.
C’est bien d’être avec papa, même si on est un peu mouillée, hein ?’
‘Oh oui !’
‘On va un peu attendre que ça s’arrête et sinon on courra vers la voiture.’
La petite fille reste contre le tronc, presque endormie, impressionnée par la pluie et l’arbre. Le père se tourne, regarde à l’extérieur, pour voir si la pluie se calme. Le long de ses joues coulent depuis ses cheveux de grosses et longues gouttes de pluies.
Le père se retourne pour regarder sa fille, ses yeux à lui sont rouges, peut-être qu’il pleure, et que ses larmes se confondent avec la pluie. De peur d’effrayer sa fille, il s’essuie les joues avec ses mains, qui ne sont pas vraiment plus sèches que le reste, et il étale les gouttes de pluies.
Sa fille n’a pas les yeux tournés vers lui de toute façon. Elle est blonde, le visage assez maigre, on la dira presque malade, mais ce n’est pas le cas, c’est juste sa morphologie, les traits du visage très secs, rectangulaires. Elle regarde le tronc de l’arbre, elle regarde vers le haut, là où il se divise en une infinité de branches plus ou moins fines. Là, une matière blanche et épaisse, comme du coton, relie plusieurs branches entre elles. C’est une toile d’araignée. la petite fille la fixe, ses yeux grands ouverts, et elle remarque la petite araignée qui l’a tissée. C’est une araignée très étrange, de couleur verte, comme une chose végétale, et elle n’a que quatre pattes, grosses, qui dépasse aux quatre coins de son corps, un corps lui même très petite, une toute petite boule ronde, comme un bouton, vert. La petite fille a la bouche grande ouverte de fascination.
Dans un bus municipal, celine est assis dans un siège vers l’avant, sur le côté gauche du bus. Il a un sac à dos de cours sur ses genoux. Il regarde dans le vide, il rêvasse. A peu près à la même hauteur que lui, mais du côté gauche, sont assis sur le même siège la petite fille de tout à l’heure, et une femme qui semble être sa mère, tant la ressemblance est frappante, la même maigreur, la même blondeur, mais quarante ans plus tard. La mère est laide, en fait.
Maman, qu’est-ce qui se passe sous un sol pleureur ?’ dit la petite fille.
celine est sorti de sa rêvasserie, il tend l’oreille, captant la discussion et attendant une réponse, sourire au lèvre, l’air amusé.
« Suicide 1.3.1 »
Un mur plongé dans l’obscurité est éclairé en intermittence par les phares des voitures qui passent dans la rue. C’est un coin légèrement en retrait par rapport à la route, le genre de mur contre lesquels les gens vont pisser. Justement, celine se tient près du mur, le visage face à lui, malgré les apparences, il n’est pas forcément entrain de vider sa vessie, bien que ce soit une hypothèse. La lumière progresse de la droite vers la gauche à chaque fois que les voitures passent et avancent. L’ombre de la tête et des épaules de celine apparaît sur le mur à chaque fois que des phares l’éclairent, et comme la lumière, l’ombre progresse, se dédouble, triple, devient mal assurée, trouble, et disparaît. celine contemple ces choses.
Puis, celine part, lassé, et devant lui qui marche le long de la route, les phares des voitures, de face cette fois, forment comme une longue et étrange guirlande de Noël dans les bouchons. La guirlande bouge, s’éteint parfois, klaxonne, se trompe de route, elle brille de blanc, d’orange et de jaune. celine croise Dwight Frye fou, encore et toujours vêtue de sa chemise de bûcheron à carreaux bleus, une clope mal assurée entre ces mains. Il épellent avec ses lèvres, des mots que personne n’étend.
« Encore ce type. Il est dehors à chaque fois que je sort, peu importe l’heure qu’il est. Il fait juste des allers retours sans arrêt. Et il ressemble absolument à un de mes profs, l’air d’un psychopathe en plus. Sauf que je connaissais le psychopathe avant le prof. Et que le prof est peut-être, sans doute, le psychopathe. Docteur Jekyll et Mister Hyde. Marque déposée. »
Au loin sur le trottoir se dessine une moto, qui avance phare éteint. Devant elle, il n’y a personne d’autre que celine. L’engin n’a rien à faire là, sa place est sur la route, pourtant il continue à avancer, le casque de son conducteur commence à se détacher de la nuit, il est noir.
Le vrombissement du moteur se fait entendre, celine continue son chemin d’un pas décidé. La moto fonce droit vers lui, le pilote se cabre doucement sur la mécanique. Personne alentour ne réagit, mais il n’y a personne, mis à part les voitures.
« Une moto qui approche à toute vitesse. Et quant elle passe à côté de moi, son accélération couvre le bruit des balles. »
Le conducteur a lâché les poignets, il a les deux mains sur une arme pointée vers celine, un petit automatique. La moto roule toujours et frôle de très près celine. Une légère succession d’éclair, à peine plus fort qu’un briquet qui s’allume, proviennent de l’arme. La moto continue, tandis que celine s’écroule sur le bitume. Du sang jaillit en petits flots rouges hors de son corps. Il est inanimé.
Tout au bout de la rue, la moto stoppe. Son conducteur se retourne, enlève son casque pour mieux voir. Nous reconnaissons immédiatement le visage de celine. Il repart immédiatement en trombe.
« J’ai toujours rêvé d’une tragédie. De quoi sans doute énervé les gens qui souffrent vraiment. A chaque instant que j’ai passé seul, sans ma famille, j’ai pensé qu’être malade, orphelin, même mort, permettrait de me faire plaindre. J’étais faible. Si j’avais une excuse pour cela, je devenais un héros, un dur, que l’on pouvait aimer, chérir, serrer dans ses bras. Quelqu’un que l’on regrette une fois qu’il est mort. Oui, c’est vrai. »
Un cercueil brun dans une église et des femmes habillées en noir qui pleurent tout autour.
Une petite fille qui sert son très vieil ours brun dans ses bras. ‘Ça va aller. Ça va aller.’
« Suicide 1.3.2 »
« Je me réveille, hors du coma, et je suis intact. »
celine ouvre les yeux dans une chambre d’hôpital. Il porte un pyjama blanc à petit carreau rouge, les draps relevés jusqu’à ses pieds. Il n’y a pas de perfusion autour de lui, aucune machine non plus. Juste, sur une table, un verre en plastique et un bouquet de tournesol, totalement séchée et même pourris. Il porte une jeune barbe, héritée de son coma.
Il se lève dans la pièce aux murs très blancs et neufs. Il marche facilement, bien que ces jambes soient couvertes de pansements rougis par du sang séché. Il passe à côté de la porte des toilettes, cuvette relevée, et ne s’arrête pas. Il ouvre la porte, sort en jetant un coup d’œil à droite et à gauche, et prend à gauche. Il longe le mur du couloir, visiblement assez désorienté. Il commence à traîner les pieds, à marcher en vacillant de droite à gauche, la fatigue déjà.
Il débouche finalement sur un couloir plus large, et tout le mur droit est en fait une grande vitre, d’au moins 3 mètres de largeur. Etrangement, la vitre apparaît comme étant opaque, on ne voit rien à travers, pas même un reflet, juste un verre de couleur blanche et grise.
celine s’approche de la vitre, prudemment à cause de son état, et il pose son nez et ses yeux contre elle. A l’intérieur, nous apercevons des couveuses, avec des très jeunes bébés à l’intérieur. Ce n’est pas vraiment impressionnant, il y en a environ cinq, et ce ne sont pas des bulles de plastique et de métal médicalisées, où l’on met les prématurés en attendant que leur état s’améliore.
En réalité, il s’agissait plus de simple petits lits pour bébés, avec juste sous le matelas, un écran qui indique le rythme cardiaque, et des capteurs sur le bébé. Ils ont l’air en assez bonne santé, souriant. Une femme, une infirmière vêtue de blanc, très belle pénètre dans la salle par une petite porte. Dos à la vitre, elle ne remarque pas la présence d’un spectateur en la personne de celine, et elle n’essaye même pas de vérifier, habituée, et si une vitre avait été disposée, ce n’est pas pour rien.
’infirmière s’approche d’un lit, qui contient un gros bébé tout rose. Elle le prend par le pied avec sa main gauche, comme si il s’agissait d’un petit cochon dans une foire. Elle l’élève dans le vide, sa tête se balance dans la vie, et le bébé continue à sourire, il rit même. Dans la main droite, elle tient une très longue seringue de métal que nous n’avions pas remarqué. Elle fait au moins 10 centimètres de long, et il n’y a qu’une aiguille, pas de corps ni de récipient. Il semble qu’une goutte d’une solution mystérieuse perle à la pointe. L’infirmière enfonce l’aiguille dans la chair du nourrisson, dans son talon précisément, très doucement, pour qu’on puisse bien voir le mouvement. Le bébé ne fait même pas la grimace. L’infirmière retire l’aiguille d’un geste très vif, en un instant. Elle pose le bébé et repart vers la porte. C’est à ce moment qu’elle remarque celine, elle lui sourit, lui fait de très beaux yeux charmeurs.
celine se retourne, comme si il venait d’être surpris là où il ne devait pas être. Tout de suite derrière lui, un homme d’à peine une vingtaine d’année, l’effraye. Il regardait lui aussi à travers la vitre, ses yeux sont hagards, la fatigue lui aussi. Il a l’air préoccupé mais sourit tout de même à celine, avec un sentiment de fierté. ‘C’est ma fille’ dit-il.
« Suicide 1.3.3 »
Dans le même lit d’hôpital que tout à l’heure, celine est allongé, endormi et cette fois, entourée de nombreuses machines médicales. A son bras, une perfusion ,et le fil remonte jusqu’à une poche de sang accrochée à une rambarde du lit, en hauteur. C’est une transfusion sanguine, le sang est rouge foncé.
Et soudain, la poche de sang explose, sans raison. Il ne reste plus rien, le mur derrière est taché de sang. Une goutte de ce sang se retrouve sur le visage de celine, une seule goutte sur sa joue, et une autre sur ses lèvres. Le reste est aussi un peu sur les draps, et son pyjama.
« Elle est dans chacune de mes pensées. Son visage est un virus qui a pénétré mon organisme un jour de septembre. Je ne la connais pas, elle me décevrait sans doute ;elle me déçoit. Mais pour en être sûr, je devrai faire analyser mon sang, laisser mon corps être sondé et scanné. La médecine isolera la moindre particule d’elle en moi, trouvera le moyen de m’en guérir. Je ne veux pas guérir. Je peux respirer grâce à elle, digérer, penser. La douleur n’est rien face à l’absence. Je l’ai dit, elle est un virus. Si un virus pénètre votre organisme, c’est que celui-ci est vivant. »
Cette fois, dans la pièce noire, celine ne parlait pas, il pensait juste. Son regard est tourné droit vers l’écran de télé, il est assis dans le canapé, le dos légèrement courbé vers l’avant. Plus apaisé qu’avant, son esprit en entier n’existe que pour l’écran. La télécommande est dans sa main, il zappe plusieurs fois, la lumière changeant à chaque fois dans la pièce, du bleu au rouge, en passant par le très sombre. Il s’arrête sur une chaîne qui produit de la luminosité blanche.
Sur l’écran de télé, ce sont des publicités. Une femme moderne et urbaine marche dans une rue qui a tout l’air d’avoir été reconstruite en studio. Son visage est blême, fatigué, et ne laisse filtré aucune trace de joie. Elle est filmé depuis sa gauche, par une caméra fixe qui la regarde arriver de loin, puis se tourne lentement, pour l’attraper en ¾ puis en profil. En marchant, une bulle de pensée sortie tout droit de chez Tintin et la bande dessinée, se pose au dessus de sa tête. « Je partirais bien en vacances. Les Bahamas, le soleil, et la vague qui vienne jusqu’à la plage. » Quand la caméra la filme de profil, elle s’arrête sur place, et saute de joie, son sac à la main, sourire au lèvre. ‘Ouais !’. Un texte apparaît sur l’image figée de la jeune femme sautant de joie. Caractère gras, en noir. « Aujourd’hui, avec nos tarifs spéciaux, on part quant on veux. »
Autre publicité, à la suite. Une voiture décapotable s’arrête à un feu rouge, dans une avenue. Sur le droite à côté de la voiture, un couple s’embrasse. Le regard de la jeune fille du couple croise celui du conducteur, la cinquantaine fraîche. Il lâche son petit ami et saute dans la voiture, d’un mouvement ample. Le conducteur commence à démarrer, sourire narquois. Le petit ami est les bras ballant sur le trottoir, il ne comprend rien. Sa petite amie lui dit ‘Salut’, en faisant le signe au revoir de la main. La voiture démarre, la caméra reste immobile derrière sur la route, constatant le voiture qui s’éloigne. Une typo très gaie, rouge-rose, et des lettres manuscrites. Nouvelle Cercos, série Love. »
Autre publicité, à la suite. Image de rêve, de la même forme qu’on en trouve dans la bd démodé, la case formant comme un nuage, légèrement trouble, le spectateur doit immédiatement comprendre que c’est un rêve. Un type, roux, dégarnie sur toute la longueur du crane, plus de cinquante ans, se trouve dans le jardin d’une maison, l’herbe est très verte, il y a des arbustes, des fleurs. La maison n’est pas très grande, sans être trop petite, les murs extérieurs sont roses, il y a des fenêtres en bois, sur deux étages, et un toit de tuile orange bon marché. Le type a l’air émerveillé par tout ce qu’il voit, il semble heureux au possible. Mais très vite, le nuage se dissout, et le type se réveille sur une chaise d’extérieur, dans ce qui a l’air d’un simple champ de terre. La caméra filme d’abord l’homme de face, il n’y a rien derrière lui, puis elle passe dans son dos, et en face, une maison, tout juste finie d’être construite. Il n’y a pas encore de jardin, c’est juste de la terre retournée. En face de l’homme, un type, un costume, qui porte un casque de chantier, le bras droit tendu en face de lui, et dans la main, des clés se balance au –dessus de vide, attendant que l’homme les attrape. Un texte arrive. « La maison de vos rêves, et le crédit qui va avec. Vous voilà propriétaire. »
A nouveau dans la pièce noire, les yeux de celine quittent l’écran pour se poser sur nous. Il nous parle. ‘Maison, voyage, voiture. Les seuls égaiements d’une vie.’
Des gens, autour d’un panneau de petites annonces, se bousculent pour voir. Il y en a des centaines. Au dessus, est marqué « A vendre …». Dans la foule, il y a majoritairement des gens de cinquante ans, soixante ans, quelques uns de quarantaine. Et un jeune ou une jeune.
Pièce noire. celine nous parle encore, lâchant la télécommande et oubliant la télévision. Pour l’instant, c’est une confession, une discussion d’amis, le ton est calme, celine est calé dans son canapé, il joue de ses mains avec le cuir, ces yeux en amande ressortent, calmes, brillants, presque amoureux. Il nous regarde.
‘Les gens sont intéressé par la possession, les biens. Apparemment, c’est ce qui restera après leur mort, ce qui peux se transmettre aux enfants. Ce sont surtout les gens qui arrivent à la quarantaine, qui ont déjà un travail, dans enfants, qui connaissent ou ont connu l’amour. Ils oublient qu’ils ont déjà transmis quelque chose, d’infini et immortel : l’ADN. Le sperme et l’ovule.’
celine nous sourit, il a l’air fatigué, fatigué dans le bon sens du terme, comme si il était bourré, et qu’il venait de passer une soirée formidable.
‘Ils ne cherchent plus l’amour. Ou comme le reste.’
a même foule que tout à l’heure, devant le même panneau de petites annonces que tout à l’heure, sauf que cette fois, il y a marqué au-dessus : ‘Rencontres …’
‘Si ils sont mariés, ils ne rallument même plus la flamme, ils vivent avec des gens qu’ils détestent. A quoi peuvent-ils rêver alors ? Au biens matériels, aux publicités. ‘
‘Ils sont âgés, normalement c’est la sagesse qui les pénètre. Ce sont des sages alors, ils ont du se lasser de la vie, de chercher le bonheur dans la poésie et l’amour. Ils ont du comprendre que ça ne viendrait pas. Ils en ont fait l’expérience, et nous, jeunes, nous n’écoutons pas leur message en masse. Ils étaiten comme nous avant, personne n’est sage dès le début. Ils nous disent : « Vous êtes sur la mauvaise voie, celle qui ne mène qu’au désespoir ». Et nous leur répondons, plein d’arrogance : « A quoi rêve un outil ? ».’
Un terrain vague et boueux s’étend à perte de vue, jusqu’à l’horizon. Une camionnette s’arrête. Nous regardons cela d’en haut, comme sur une petite montagne proche, et nous y resterons tout le temps.
« A quoi rêve un outil ? »
Sous nos yeux, c’est Sim City. Des véhicules de chantier arrivent, des grues énormes et jaunes, des camions, des bétonneuse, des milliers d’homme s’activent. Très vite, une route de bitume coupe le terrain vague en deux. Au fond à droite, des machines et des hommes creusent un immense trou. Devant, à droite toujours, des maisons apparaissent comme par magie, sur plusieurs centaines de mètres, ce sont toutes les mêmes. Elles s’étendent presque jusqu’au trou. A gauche, ce sont d’abord des petites immeubles d’à peine dix étages qui poussent, sur le devant, et puis derrière, des énormes grattes ciels comme ceux de New York. Il y en a plein, parfois entrecoupés d’immeubles plus petits. Au fond, le trou est rempli d’eau. Nous pensons reconnaître le lac où l’employé de supermarché emmenait sa fille. Ça y est. La ville est complète, fabriqué, il y a plusieurs routes qui mène à elles, et plus aucune espace n’est vide. Des voitures s’activent, les machines de travaux ont disparu, la ville vit.
A droite, la moitié du quartier comportant les maisons est détruit. Il ne reste plus qu’un terrain vague, comme au tout début. Très vite poussent de nouveaux immeubles, certains très design et jolis à la place des maisons. Devant, une route est remplacée par un embrancheur d’autoroute, avec payage.


La nuit tombe sur la ville. Les lumière s’allument, dans les immeubles, sur le toit, sur la route, des fourmis lumineuses s’activent un peu partout.
« A rien. »
« Personnellement, je ne pense pas être obsédé par cette fille. »
celine attrape la télécommande, toujours l’air détaché et fatigué. Il ne nous quitte pas les yeux pendant qu’il se tend vers la table.
« Vraiment. »
Il a appuyé sur le bouton arrêt de la télécommande, et la pièce se retrouve dans le noir total.
Il sort d’un immeuble, habillé différemment. En passant la grande porte vitrée, il regarde à gauche, à droite, et prend à droite. Quelques personnes dehors. Il fait jour et gris, pourtant le ciel est découvert. La caméra se rapproche de plus en plus de celine, on ne voit bientôt plus que lui, puis uniquement son visage, alors qu’il continue à marcher.
Soudain, le champ est élargi pour laisser apparaître la rue en grand. celine est à un carrefour de deux routes, entourés de petits immeubles. Peu de voitures, à peine deux ou trois, toutes neuves et flamboyantes, sans être de grandes marques. celine est entrain de longer le trottoir en tournant à droite. Dès que l’élargissement a eut lieu, toutes les filles de la scène se sont transformées en la jeune fille de celine. Dans une voiture, c’est elle, seule au volant. C’est elle encore, enlacé par un chinois de son âge, c’est elle dans la boulangerie au coin de la rue, c’est elle qui marche en sa direction, c’est elle qui sort d’un vieil immeuble en ruine. Les apparitions sont toutes habillées différemment, normalement. Et les autres personnes, les petites vieilles, les hommes, les enfants, sont comme si de rien était.
ntre elles, celine ne fait même pas attention, il marche la tête baissée.
« Tout le monde est pareil. La même personne. Tout le monde est elle. »
Un garçon, peu importe son allure, et assis par terre à côté de celine, sur le bitume, dans le parking de l’université. Une voiture rouge, légèrement pourrie, leur sert de dossier. Possible que la radio-cassette fonctionne, distribuant de la musique à leurs oreilles. Le garçon fume une cigarette, il prend deux taffes, les savourent, et la passe à celine. Réflexion faite, cela doit être un joint. Son regard lui échappe à mesure qu’il tire dessus. Les deux garçons, accolés, presque enlacés, sont attiré par un fait qui se produit sous leurs yeux, plus loin sur le parking.
Une fille pleure dans les bras d’une autre. D’ailleurs, celle chargée du réconfort n’est pas vraiment dans un meilleur état que l’autre. Ce sont deux filles que nous avons déjà vu, elles faisaient partie du groupe des filles. Les pleurs redoublent d’intensité, et durent. Rien à voir avec une mauvaise note, une histoire d’amour.
Qu’est-ce qu’elles ont ?’ demande celine, quasi amusé.
‘C’est la fille que t’aimes bien. Elle est à l’hôpital.’
‘Quoi ?’ pas vraiment la stupeur, ou la surprise, sur le visage de celine, l’incompréhension surtout.
‘Un accident de voiture. Doit être morte.’
celine essaye de se lever, manque de s’écrouler par terre, se rattrape avec les mains, le type à côté est immobile, son joint en bouche.
L’histoire reprend là où nous l’avions laissée.
Suicide 1.2 »
eline vient de décimer la moitié de l’université. Un petit pistolet automatique en main, il braque sa jeune fille qui se tient en souriant en face de lui. Il ne bouge plus, elle non plus. Leurs respirations sont synchrones, nous pourrions tendre l’oreille et n’en entendre qu’une. Un sentiment est entrain d’émerger entre deux, les corps entrent en transe, celui de la jeune fille se détend, s’étend de manière très érotique, le bras armé de celine se durcit. Alors que la jeune fille s’approche, comme si elle glissait sur l’air, le coup de feu part, en plein dans son nombril, en tout cas nous le supposons. L’arme de celine fume, du sang tache le pull bleu de la jeune fille, elle regarde sa propre blessure, prête à s’évanouir d’après ses yeux qui flanchent. Enfin, elle s’écroule par terre, morte, perdant encore son sang sur le parquet. Tout juste derrière, le garçon aux cheveux rouges court vers celine, de rage, pour venger la jeune fille, mais celine tire à nouveau, trois ou quatre fois de suite. Le garçon disparaît simplement, un énorme trou dans son abdomen et il devient un morceau sanglant du sol.
Le couloir est bordé de portes ouvertes, et de chacune des ouvertures provient une très forte lumière jaune, comme si les pièces étaient remplies d’un gros trésor d’or. Toutes ces lueurs éblouissent même celine, qui protège ses yeux en relevant son bras.
‘Viens. Viens’
Toujours les pièces illuminent, et soudain, les portes se claquent toutes en même temps, très fort et rapidement, en un instant, ne laissant plus apparaître aucune lueur, ne filtrant plus aucune voix.
« Je l’ai, ma tragédie. Et tout ce qui va avec : le droit de pleurer, d’être triste enfin, la sagesse de l’homme que l’on a quitté contre sa volonté. »
Dans la même salle de bain qu’au début, celine se tient devant la glace, les yeux plongés dans son reflet, bservant son devenir, remarquant les lignes inconnues de son visage, se souriant, se faisant des grimaces, se regardant même avec ses yeux amoureux, tout en restant immobile de son corps, juste le visage dans la glace, très proche d’elle, de son toucher glacé, le nez contre elle.
« Tant les événements s’enchaînent, tels des dominos maudits ne pouvant empêcher leur chute, j’ai l’impression d’avoir volé mon désespoir. Elle est morte à l’hôpital dans une belle nuit où la lune était assez proche pour discuter avec les étoiles et émettre des pensées très intéressantes. »
Le reflet de celine bougea et posa un court baiser sur ses lèvres. A moins que ce ne soit le vrai celine qui embrassa son reflet. Après cela, il se tourne vers nous.
Je connais son nom maintenant. Je l’ai lu sur l’avis de décès. Elle s’appelle …’
Ainsi qu’il a déjà été fait, le corps nu et anonyme de la jeune fille, de sous son nombril jusqu’à la base de ses seins, nous est révélé. Sa main droite apparaît à son tour, totalement ensanglanté, du pouce à l’auriculaire, des ongles au poignet. C’est la seule partie du corps dans cette état. La main se pose sur le ventre, et commence à écrire en tremblant, très doucement, avec application, pour que cela soit lisible, bien qu’imparfait :
Céline
Une fois cela fait, la main finit son œuvre en dessinant un petit cœur, mince et haut, après le « e » final. C’était un cœur de sang. C’était un cœur de douleur. C’était un cœur d’amour, comme tous les cœurs.
Sur le devant de la scène, l’écran laisse défiler un générique sur fond noir, apparaissent des centaines de noms qui nous sont indéchiffrables, tandis que la lumière se rallume doucement dans la salle. Les gens se lèvent en majorité très rapidement, à peine le générique en marche, ils se lèvent, se rhabillent et partent en direction de la sortie, comme si il existait un risque que la porte se ferme après un court laps de temps, et ce pour toujours. Ou bien quelqu’un les attends dehors, quelqu’un de plus intéressant, de plus réel, mais qui peut être plus réel que le cinéma ? Parmi ceux qui se ruent vers la sortie, il y a de tout : des vieilles bourgeoises, légèrement plus de cinquante ans, en retraite depuis leur mariage ;des hippies du troisième millénaire, les cheveux noirs et rêches souvent long, une peau laide d’adolescent très attardé, et surtout, un bouc florissant et arborescent, noir lui aussi ; un couple d’homosexuels qui se tiennent par la main ;des types, si vieux ou si lassés, que leur crane est dégarnis.
La salle est très petite, à peine le double d’une salle à manger, et l’écran prend toute la place sur le mur. Le sol est plat, rouge, les sièges sont rouges, les murs sont rouges. Seul les enceintes accrochés en l’air sur les murs, et généralement de couleur noir, tentent de rendre la salle moins effrayante, de la faire moins ressembler à la scène finale d’un slash movie, ou tout le monde meurt à force de perdre son sang. Une telle chose serait jolie en fait, légèrement plus qu’une simple salle de cinéma, cinéma d’art et d’essai, salle unique, et pas multiplexe. Le générique défile toujours, bien qu’il fasse totalement clair dans la salle.
Il reste encore un peu de monde, cinq, six personnes, qui tiennent à voir le générique jusqu’au bout, histoire de ne pas louper un nom, ou en attendant un message personnel et secret, dissimulé pour les persévérant. Assis au cinquième rang, nous voyons notre jeune homme. Il est encore affalé au fond son siège, le regard droit sur l’écran, restes de l’heure trente, des deux heures, passées dans la salle. Aidés par ses mains appuyés contre les accoudoirs, il se remet droit, vraiment assis, puis se frotte les yeux, et enfin se gratte la joue, du revers du pouce. Ensuite, il se positionne sur l’avant du siège, la tête sur ses mains, et il sourit, de joie.
Sa longue veste, pareille à un imperméable, occupe le siège d’à côté. Il s’en saisi, et se lève, alors que le générique n’est pas terminé. Il l’enfile rapidement, pour ne pas gêner ceux derrières, sort de son rang, et remonte dans l’allée vers l’arrière de la salle. En passant, il remarque une jeune fille d’à peu près vingt ans, affalée comme il l’était, dans un siège. Il porte les lunettes rectangulaires et noires des intello branchés, a les yeux bleus et des cheveux noirs de vierge, coupés au carré. Sa peau est de porcelaine, ses lèvres d’une chaire délicieuse, son nez légèrement rougi sur le bout achève le portrait. Son regard vers elle ne dure qu’une seconde, elle ne se rend compte de rien., et notre jeune homme continue son chemin, jusqu’à sortir de la salle et débouché sur une sorte d’antichambre, avec affiches de film, dépliant, et une table.
enseigne CINEMA clignote en rouge dans la nuit, au dessus du petit bâtiment. Des voitures démarrent de chaque côté des trottoirs, sur les places réservés au stationnement. Le trafic reste assez fluide. Notre jeune homme est au niveau de la rue, mais il attend immobile, il observe les voitures, les rats quittant le navire. Il se retourne légèrement, juste le visage, pour observer les derniers spectateurs qui sortent, une famille, mais pas cette fille, elle a disparue. Il arrête de regarder, tout en attendant encore.
Enfin, il entreprend d’avancer, très lentement, en longeant le trottoir. Il remonte le col de sa veste, met les mains dans ses poches. Il tourne la tête encore une fois, et il n’y a absolument personne derrière lui. Il continue, au loin, nous apercevons la lumière d’un arrêt de bus. Il tourne la tête pour la dernière fois, et il n’y a toujours personne. Il accélère alors, à quoi bon rester là ? Arrivé à l’abribus, il n’y a personne non plus. Il s’assied sur le banc, sans sortir les mains des poches. Un noir d’une trentaine d’année passe devant lui, sans s’arrêter.
Le bus est vide, notre jeune homme assis toute à l’avant, sur un siège unique, de couleur verte. Tout le bus est vert, comme toute la salle de cinéma était rouge. On aperçoit le chauffeur, en tout cas un bout de son oreille droite, et sa chemise bleue qui couvre son bras. Un uniforme. Le bus roule. Notre jeune homme est encore dans le film, ses yeux sont suspendus dans le vide, parfois, ses lèvres bougent et articulent des mots à lui-même, se prenant pour un critique, ou pour un amoureux qui devise avec sa belle.
Dehors des paysages urbains défilent, des immeubles, des grattes ciels même, des gens sur le trottoir, traînant des sachets de course, des poussettes, ou des chiens.
Les bras ballants, notre jeune homme observe son bus repartir et s’éloigner, devant un autre arrêt de bus, arrivé à destination. Il se met en route et débouche bientôt vers la rue principale de la ville, et toutes ces vitrines, et des jeunes enfants seuls, en petits groupes, beaucoup d’enfants seuls, étrangement.
Le jeune homme emprunte des rues moins grandes et passagères que celle d’avant, les boutiques se font plus rares, l’éclairage est discret. Il est parfois seul dans ces rues, un couple le précède une fois, une homme seul derrière lui une autre, toujours nous le suivons discrètement, de dos. Nous devons nous fondre à la pénombre.
« En marchant, la seule chose à faire est de penser. Je n’arrive pas à m’enlever de la tête cette phrase du film : « une fois que c’est entré, vous le gardez en vous». Il était plutôt moyen d’ailleurs, excepté quelques grands moments, distillés en petites scènes. C’est comme si cette phrase était dite pour moi, par moi. Céline est entrée en moi par effraction, et je la garde maintenant pour toujours, en première place. Quelle étrange sensation de prononcer son prénom. Au fond, je dois être d’accord avec le film, c’est ça la vie : quelques grands moments, distillés en petites scènes. »
Regardons quelques instants le ciel, et les étoiles qui apparaissent progressivement. Deux ou trois immeubles se détachent, plus grand que les autres, et les lumières des appartements perlent aux fenêtres. Un avion passe, cela fait une étoile de plus, qui clignote, rouge, bleu, jaune, au premier plan, comme si il était au-dessus d’un des immeubles.
Le jeune homme marche encore et toujours, quand …
« S’il-te plait ? »
« Bonjour. »
Une voix retentit de la droite. Le jeune homme est cette fois bien seul dans la ruelle. Sur cette droite, plusieurs entrées de petits immeubles accolés se succèdent. C’est de là, c’est de l’ombre que vient la voix.
Un homme apparaît, vêtu de noir, le visage affiné par les âges, secs, droits, quelque chose sur sa bouche qui témoigne d’une certaine gaieté, des cheveux noirs, très noirs, alors qu’ils pourraient déjà être gris, ils ne sont pas coupés courts, l’homme est bâti très solidement, ses épaules sont larges, ses bras ne sont pas musclés, justes imposant. Il pourrait très bien être Bela Lugosi quand il joue Dracula, bien qu’il n’essaye absolument pas d’avoir un visage effrayant. Cet homme quelque marche depuis le portique où il se trouvait et approche du jeune homme.
« Excuse moi de te déranger. »
omme l’homme s’approche, il pénètre dans la large lumière qui filtre des rues attenantes, cette lumière où s’est réfugié le jeune homme. Apparemment, les intentions de l’homme ne sont pas mauvaises, il ne cherche pas à se cacher, à rester éloigné, à s’approcher de trop près, à faire peur. Il s’arrête au moment où il pénètre dans la lumière, il est dedans, juste à la frontière de l’ombre ;et le jeune homme est exactement dans la même position, à l’opposé du rayon de lumière. Les deux, face à face, ont la même stature, forte, ils se tiennent droit, l’homme est plus grand que le jeune homme, il est habillé dans un costume noir, mais pas le costume d’un cadre, non, il porte un costume classe, sans doute sur mesure, produit par un tailleur anglais depuis des décennies pour la même personne, un mouchoir blanc dépasse de son pochoir. Il tient quelque chose de rond et noir dans sa main droite. Ses doigts sont longs et fins, des doigts de pianiste. Il semble sorti d’une autre époque.
L’homme sourit, très gentiment, un sourire uniquement du côté droit de sa bouche, sans l’ouvrir et laisser apparaître ses dents, un sourire très gentil, très courtois.
‘Aimerai-tu faire l’amour et gagner de l’argent ?
Pardon ?
Aimerai-tu faire l’amour et gagner de l’argent ?’
« C’était une proposition. Tout ce qu’il y a de plus honnête. Il n’y avait absolument aucune trace de menace dans sa voix. Dans son attitude. Ça aurait été la même chose si il m’avait demandé de mourir dans la nuit à ses côtés. »
‘Pourquoi pas ? ‘
Face à face, toujours entre les deux personnes, rien de surréel dans cette scène, tout est à prendre au premier degré. Aucun des deux ne semble décontenancé par ce que dit l’autre. Tout est naturel.
‘Eh bien alors, suis-moi.’
L’homme reste immobile, et le jeune homme aussi, tout les deux à une extrémité d’un rond de lumière, face à face, s’observant.
L’homme donne un léger coup de la main gauche sur le rond noir et plat qu’il tient dans la main droite, révélant un chapeau clac. Il étend son bras, au maximum sans bouger le corps, et dépose le chapeau sur le crâne du jeune homme, tandis que la caméra filme la profondeur du champ.
« Vaut-il mieux tout oublier ? »

0 Comments:

Post a Comment

<< Home